Kangding, aventures au pied des montagnes, à 2300m, eau froide et nouvelle rencontre.
Du 3 au 6 Janvier.
Par Sophie – Le 26 septembre – J’ai eu la confirmation que j’habite dans un coin paumé, de retour en France pour quelques semaines, j’ai mis au total 86h à l’aller (pour faire Houay Xay – Toulouse) et 84h au retour (pour faire Paris – Houay Xay). Oui, oui, en prennant l’avion (mais pas que non plus)…
Kangding, c’est sur la route de Lhassa, à l’entrée des montagnes Tibétaines, et depuis Chengdu il est très facile de trouver des tours organisés pour le Tibet. Pour ma part, je ne suis pas allée jusqu’au Tibet même si j’ai passé les 10 jours suivants dans les montagnes du Sichuan, dont la population est majoritairement Tibétaine. Pour ceux qui se demanderaient pourquoi je ne suis pas allée au Tibet, je vous renvoie à la nouvelle Charte Pilot on the Road, vous y trouverez les quelques règles que je me suis fixée pour ce voyage.
Mais revenons à nos moutons, enfin à nos yaks plutôt (et je dois vous dire qu’une enfilade de carcasses de yaks sur des tables au marché, ça fait pas tout à fait le même effet que des côtelettes d’agneaux toutes bien débitées chez le boucher !), et avant d’arriver à Kangding, il a fallut y aller. C’est à ce moment là que je me suis rendue compte que je quittai la partie développée de la Chine, avec des trains à grande vitesse, des centres commerciaux et sa densité de population. Je suis donc partie de bon matin, en bus, depuis Chengdu, sous la grisaille ! A ce moment là de mon périple, ça fait 2 bonnes semaines que j’ai pas vu un rayon de soleil et je commence à accuser la fatigue, comme on peut le constater.
Une fois le bus partit, on est rapidement sortit de la ville et j’ai pu admirer la campagne chinoise. A priori dans ce coin du monde, il n’y a pas de pénurie d’eau !
Les champs sont bien verts.
Et le fleuve est aseez impressionnant.
Puis on est arrivé au début des montagnes et on a commencé à s’y enfoncer, se rapprochant toujours plus des nuages.
Jusqu’à ce que finalement au détour d’un virage, en sortant d’un tunnel, on se retrouve brutalement au soleil.
Après 10 jours sans en avoir vu la couleur, il pique un peu les yeux au début 😎. Le plus surprenant c’est la différence dans le paysage, d’un seul coup les pans des montagnes sont arides et on peut voir que les nuages ne montent pas souvent jusqu’à cette altitude.
L’autre élément qui m’a surprise (et auquel je ne m’attendais pas du tout), c’est l’ampleur des travaux d’aménagement en cours. Entre les ponts en construction entre deux pans de montagnes, bien au-dessus des rivières en contre-bas, et les nouvelles routes à flanc de montagne, on sent que le gouvernement chinois a décidé de désenclaver cette zone.
Mais en attendant que ces nouvelles autoroutes soient terminées, compte tenu de la difficulté d’accès et du climat, c’est pharaonique comme chantier, mon bus a suivi le chemin des écoliers et on a continué notre route jusqu’à un check point. C’était pas le premier que je voyais, de nombreux pays maintiennent des check points sur les routes (il y en a notamment plusieurs au nord du Laos), mais c’était la première fois du voyage que tout le monde devait descendre du bus pour faire vérifier sa carte d’identité et son laisser-passer. Gros moment de flottement quand j’ai tendu mon passeport au préposé dans sa guitoune. Le seul appareil qu’il avait à sa disposition ne pouvait scanner que les pièce d’identité chinoise, au format standard choisi par le gouvernement. Ils m’ont donc envoyée avec un autre militaire jusque dans les bureaux (j’ai supposé qu’il était plus ou moins l’heure de déjeuner parce que tout était désert), pour qu’il puisse faire une photocopie de mon passeport (c’est beau l’informatique !). Une fois la photocopieuse branchée, ils ont finalement réussi à faire la copie nécessaire et je suis retournée au bus, dans lequel tout le monde m’attendait (…).
Une fois les formalités administratives passées, on a continué notre route dans des vallées de plus en plus encaissées.
Et le paysage, tellement différent des plaines humides aux alentours de Chengdu était vraiment époustoufflant.
Finalement, à la tombée du jour (donc vers 16h), on est arrivé à la gare routière de Kangding, située à 50m de mon auberge. Sans plus de difficulté que d’habitude, j’ai demandé mon chemin qu’une seule fois en 50m, le ratio est plutôt bon compte tenu de mes difficultés précédentes, j’ai réussi à trouver mon auberge pour le moins… spartiate. Déjà, et ça fait toujours bizarre, même quand on sait que c’est la saison basse, elle était vide. Enfin presque. Le staff, composé de 5 personnes, s’ennuyait ferme et ne donnait pas du tout l’impression de se préoccuper des 2 clients (dont moi) présents.
C’est à ce moment là qu’a commencé toute une série d’ascenseurs émotionnels.
Vu qu’il n’y avait personne dans l’auberge, j’allais avoir le dortoir pour moi toute seule (chouette 😁), puis en arrivant dans la partie du bâtiment avec les chambres on m’a montré les sanitaires, toilette et salle de bain et là, j’ai commencé à déchanter : les seules toilettes disponibles étaient à la turque (😰) et pour la douche, ils étaient désolés, mais avec le froid des derniers jours, l’eau avait gelé dans les tuyaux, endommageant le système de chauffage; donc la seule source d’eau chaude c’est le baquet sur la plaque électrique à côté des lavabos, sinon c’est eau froide. Mais, froide comment ? Froide, froide. Ha 😱…
Décidée à attendre de voir comment je pourrais m’arranger pour la douche, j’ai rejoint la chambre, avec 6 grands lits, une commode et de grands casiers à disposition. Chouette 😊 ! Puis, une fois installée, j’ai pu constater que le lit était fait à la mode chinoise : une planche en bois avec quelques couvertures dessus pour servir de matelas… Pas super confortable donc. Mais le pire c’est quand j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de radiateur, ni de chauffage dans la chambre et que compte tenu de l’isolation de la fenêtre (il y avait du givre à l’intérieur), la nuit allait probablement être aussi chaude que la douche 😱. La bonne nouvelle dans tout ça ? Ici aussi les lits étaient équipés de couverture électrique. Je n’ai vu ça qu’en Chine pour le moment, mais je dois bien reconnaître leur efficacité. Une fois branchée et allumée, la couverture chauffe le lit, et là franchement, je pense que je peux dire que ça m’a sauvé la vie. En rentrant me coucher plus tard dans la soirée, il faisait tellement froid, que j’ai gardé mes sous-couches de vêtements de la journée (collants épais, damart, sous-pull) et que je me suis réfugiée dans le lit, en rajoutant les couvertures du lit d’à côté 🥶🥶🥶).
Il faut quand même savoir que 8 mois dans l’année, l’auberge propose de dormir dans des tentes sur le toit, enfin sur la coursive entre les deux bâtiments. Sur la photo ci-dessous, je sors de la zone nuit et on voit le bâtiment de la pièce principale/pièce à vivre (enfin quand il fait pas 5° à l’intérieur), les tentes étaient sur la droite, juste à la sortie du bâtiment principal, sous une bonne couche de neige.
Finalement le seul élément de confort dans cette auberge, c’était l’énorme poêle dans la pièce principale, enfin quand le staff avait pas la flemme de l’allumer (…).
Un peu tristounette, je me suis installée dans la salle commune, le plus près possible du poêle en question pour écrire un article supplémentaire (oui, déjà à cette époque j’étais très en retard sur l’écriture des articles !). Finalement au bout d’un moment un autre occidental est entré dans la pièce. La Chine a un effet surprenant sur les occidentaux qui y vivent ou qui la visite, elle réveille nos instincts grégaires. C’est parfois tellement difficile de communiquer avec les locaux que le fait de pouvoir parler anglais soulage presque instantanément. J’ai donc engagé la discussion avec JR, américain de son état, vivant en Chine depuis 7 ans, marié à une chinoise, professeur d’anglais dans des écoles privées pour gagner sa vie et en vadrouille dans les montagnes depuis un certain temps.
On a rapidement sympathisé et, en habitué des lieux, il m’a fait découvrir la ville et les spécialités locales, notamment la bière tibétaine, brassée (ou coupée, je sais plus trop) avec du lait de yak fermenté.
Assez légère en fait, cette version industrielle était trop sucrée pour moi, mais intéressante à goûter.
La bonne surprise de la soirée c’est quand on a trouvé des bières belge dans le supermarché de la ville, plutôt bien approvisionné si on considère à quelle distance se trouve la civilisation, enfin ce qu’on pourrait considérer comme la civilisation.
Puis, après avoir discuté un bon moment autour du poêle, on s’est fait jeter de la salle commune par le staff qui dormait à l’étage. De retour dans ma chambre, je n’ai que pu constater que l’isolation était en effet inexistante avec de la glace à l’intérieur des vitres et le nuage de buée que je créai en expirant a fini de me convaicre de faire une croix sur la douche et le pyjama. Ayant enlevé quelques unes des couches supérieures de ma tenue, je me suis glissée dans mon lit en bénissant la couverture électrique.
Le lendemain je suis partie visiter la ville, dont j’avais un bon aperçu depuis le balcon de l’auberge.
Au programme, grand ciel bleu et froid mordant ! Construite toute en longueur le long d’une rivière dans une vallée très encaissée, Kangding bénéficie d’un ensoleillement moyen de quelques heures par jour quand le soleil est à son zénith.
Les nuages sont d’ailleurs arrivés rapidement, de même que l’ombre des imposantes montagnes qui dominent la ville.
J’ai quand même pu bénéficier des derniers rayons du soleil en me promenant dans une contre allée.
En tout cas Kangding est vraiment à la frontière entre deux cultures, qui cohabitent. On y trouve donc des symbôles tibétains comme cette immense cloche au centre de la ville autour de laquelle les gens marchent en priant.
Ou encore cette statue grandeur nature d’un yak, symbôle de la région, les plaines du plateau à 4000m situées au-dessus de Kangding en direction de Lhassa sont un endroit idéal pour l’élevage de troupeaux de yaks, adaptés aux conditions extrêmes de la région.
Mais on sent aussi le présence chinoise (l’ethnie majoritaire en Chine est celle des Han, quand on parle des « chinois » en Europe, en réalité c’est aux Han qu’on pense) avec la construction d’immeubles dans les rues. Personnellement, c’est pas vraiment mon architecture préférée, mais bon…
Finalement ce qui donne un peu de charme à cette ville sans trop d’intérêt, c’est la rivière qui la traverse sur toute sa longueur avant de redescendre dans la vallée.
Contente de ma journée d’exploration, je suis rentrée à l’auberge et j’y ai retrouvé JR, avec qui je suis allée manger le soir, dans un petit boui boui spécialisé dans les nouilles et les raviolis (un boui boui chinois quoi), qu’il avait découvert quelques jours plus tôt. Une des meilleures soupes que j’ai mangé pendant ce voyage.
Puis, une fois de retour à l’auberge, on s’est fait virer de la salle commune et on est allé finir de discuter dans la partie nuit, à l’entrée des sanitaires, en se serrant autour de la bassine d’eau chaude, seule source de chaleur de cet endroit. Un sujet en entraînant un autre, on est finalement allé se coucher à 4h du matin (chacun de son côté, je vous vois venir !), pour ma part, j’étais toujours frigorifiée et donc la douche n’était toujours pas au programme ce soir là. Si on fait le compte à ce moment là j’en suis à 2,5 jours sans douche (toujours acceptable).
J’avais initialement envisagé de partir le lendemain matin pour Tagong, un village encore plus paumé à 4000m d’altitude sur le plateau tibétain. Sauf qu’avec un unique bus journalier au départ entre 7h et 9h du matin depuis le bas de la rue (impossible d’avoir une information plus précise), j’ai remis mon départ au sur-lendemain. J’ai donc eu une journée de plus en ville. Comme j’en avais déjà bien fait le tour, je suis allée me balader du côté du marché, c’est là que j’ai pu admirer les carcasses de yak alignées, complètement dépecée à part la tête, entière, la queue et les pattes avec les sabots au bout. L’effet était assez saisissant, je dois l’avouer.
La ville n’étant pas très grande, je me suis de nouveau baladée dans les même rues que la veille.
Mais cette fois-ci, j’avais un objectif en tête : trouver le bureau de poste pour faire un colis avec les divers souvenirs et cadeaux de noël que j’avais sélectionnés au cours de mon périple. Ni très lourd, ni très encombrant, j’avais quand même hâte de m’en débarrasser. J’ai réussi à trouver le bureau de poste, et la partie dédiée au courrier. Là j’ai expliqué que je voulais envoyer un colis en France (ce qui dans le mode de communication local donne très exactement : « Hello, box, Faguo, Yes? » (pour ceux qui auraient oublié, faguo c’est France en chinois).
La réponse (pas très étonnante) ?
« Impossible »… Mouais bon ben merci quand même.
Cette mission ayant lamentablement échouée, je me suis lancée à l’assaut de la deuxième mission que je m’étais fixée pour la journée : réussir à recharger ma carte sim. Depuis que je suis partie de Beijing j’ai une carte sim locale qu’un hollandais en partance vers son pays m’avait gentiment donnée. Sauf que je n’avais aucune idée du crédit restant, de sa date d’expiration, ni de la façon de recharger la carte. Bref, j’arrivai à utiliser internet tout en gardant à l’esprit que je pouvais me retrouver sans forfait n’importe quand et à la veille de quitter les derniers vestiges de la civilisation moderne, j’avais plutôt envie de prendre mes précautions.
Après avoir erré dans la ville un bon moment à la recherche d’un magasin avec le logo de mon opérateur (metfone), j’ai fini par dénicher une petite boutique et j’ai appliqué ma méthode de communication habituelle, maintenant rodée : le mot clé ! Je suis donc entrée et j’ai expliqué mon problème en utilisant les mots les plus simples possibles : « Nihao, phone, data, kwaï » (je continue à vous aider à enrichir votre vocabulaire chinois : « Nihao » veut dire bonjour et « kwai » c’est une des façons de dire « yuan », la monnaie locale). En même temps je lui ai tendu un billet et mon téléphone. Croyez-le ou nom, il a fait plusieurs manips sur mon téléphone, a récupéré mon billet et je n’ai pas eu un seul problème de forfait jusqu’à la fin du voyage (Victoiiiiire !!!!).
Avec un taux de réussite de 50%, que j’ai considéré comme un succès si on considère le niveau d’hostilité de l’environnement (c’est un peu comme arriver au milieu du dernier niveau d’un jeu vidéo la 1ère fois qu’on y joue, on est un peu déçu, mais assez fier quand même), j’étais plutôt contente de ma journée.
Puis, je suis rentrée à l’auberge et j’ai retrouvé JR en train d’essayer d’allumer le poêle dans la salle commune. Apparemment, le stock de petit bois pour allumer le feu avait été fini la veille et personne dans le staff n’avait eu l’idée/pris l’initiative d’en couper. On s’est donc retrouvé à faire brûler l’intégralité d’un cahier en papier que j’avais acheté quelques jours plus tôt pour emballer les cadeaux (oui, ceux qui étaient encore dans mon sac suite à l’échec poste de l’après-midi).
Allumer le feu nous a pris une bonne heure d’efforts… Oui, parce que non content de ne pas avoir préparé de petit bois, quelqu’un avait nettoyé le poêle et donc les moindres petits morceaux de papier qu’on arrivait enfin à enflammer finissaient invariablement au fond du poêle avant d’enflammer le bois… On y a cru à un moment puis, alors que la température commençait à remonter, une des autres clientes a décidé que ça chauffait pas assez vite pour faire réchauffer sa viande (oui, oui,…) et elle a donc ouvert la trappe en grand, créant un appel d’air qui a soufflé les quelques flammes timides qui avaient réussi à se former (…).
Finalement au chaud autour du poêle, JR a commencé à me raconter qu’en plus d’être professeur d’anglais il est le manager d’un DJ, Canadien d’origine pakistanaise qui vit à Shanghai et est une des stars de la scène électro chinoise. Mouais… Vous êtes sceptiques ? Moi aussi ! Je ne m’en suis donc pas cachée, surtout quand il a commencé à m’expliquer que Hasan (le DJ) était programmé pour faire la fin de la nuit lors de la dernière soirée, prévue 10 jours plus tard, d’une boîte de nuit underground de Shanghai que le gouvernement faisait fermer : le Mansion. Hasan essayait de convaincre JR d’y aller quand JR s’est mis en tête de me convaincre d’y aller avec lui…
Mouais, mais c’est que Shanghai, c’est à l’autre bout du pays, que demain on part chacun de notre côté, mais toujours plus dans les montagnes, donc encore plus loin de Shanghai, et puis surtout, moi la musique électro, j’aime pas ça. C’est-à-dire que j’en vois pas l’intérêt. Donc traverser la Chine pour aller dans une boîte pourrie au show d’un DJ que je connais pas, avec un gars qui prétend être son manager… J’avais quand même grave des doutes.
Apparemment, ma remarque sur la musique électronique inintéressante a piqué au vif notre DJ (que j’ai depuis rencontré et surnommé le Petit Prince) et je me suis retrouvée le lendemain matin à 6h du mat’ (les yeux bien collés, pendant que je me lavais les dents à l’eau gelée) avec des écouteurs dans les oreilles pendant qu’Hasan me faisait un set privé par téléphone pour me convaincre que sa musique était géniale…
Franchement, même à froid, le matin, et sans avoir pris de drogues, c’était moins pire que ce que je craignais. Mais enfin, pas au point de traverser tout le pays et changer complètement mes plans.
C’est donc après avoir rassuré Hasan sur son talent hors du commun que je suis allée attendre mon bus pour Tagong, prochain bled sur ma route. Et 2 bonnes heures plus tard, le bus pour Tagong est arrivé, je suis montée dedans et je suis partie pour une des journées les plus compliquées depuis mon départ de France !
Tu t’améliores dans l’art du teaser !! Vivement le prochain article (mais pas de pression 😉 ) même si je connais quelques détails de la fameuse galère à venir !
Sinon, deux petites pensées suite à la lecture de cet article :
– MERCI de nous avoir épargné en évitant de publier la photo des yaks au marché !
– une chambre, sans chauffage, au milieu des montagnes ?!?!?! Tu es une héroïne (ou folle à lier, j’ai pas décidé ! ^^)
Et une dernière pensée pour la route : quel est le délai max acceptable sans douche finalement ?
Tu nous manques déjà ! Gros bisous